Retrouver la famille, affronter les jugements
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Il y a quelques mois, j’ai tout quitté.
Pas pour des vacances, pas pour un break.
Un vrai stop. Parce que continuer, c’était foncer droit dans le mur.
Depuis, je raconte ces sept mois de vadrouille, un voyage géographique mais aussi intérieur. Ce deuxième chapitre nous emmène à l’Île Maurice, là où tout a commencé : un retour en famille, des retrouvailles après des années, et l’expérience inattendue d’un huis clos rythmé par le Ramadan… et par les tempêtes.
Le départ
La veille du vol, mes valises débordaient. Trop de kilos « au cas où ». Mais il faut dire qu’à ce moment-là, je partais pour sept mois, sans savoir si je pourrais repasser par Paris, ni même comment je le ferais. Dans chaque poche, j’avais glissé une part d’incertitude.
Le matin, je me suis senti léger et lourd à la fois. Léger de quitter Paris, mon appartement solitaire, cette façade optimiste que je montrais au monde. Lourd de tout ce que je laissais derrière moi : les doutes, les finances, l’impression de perdre pied.
Dans l’avion, serré en éco, un sourire m’a échappé malgré tout. Je savais que ce voyage avait un sens plus grand que moi.
Retrouvailles avec ma sœur
À l’arrivée, chaleur humide, odeur de mer et de végétation. La lumière de Maurice enveloppe plus qu’elle n’éclaire : elle rassure.
Ma sœur m’attendait. Elle avait tout organisé. Comme toujours dans notre famille, l’accueil s’est fait autour de la table. Des plats préparés, des attentions aux goûts de chacun : chez nous, se retrouver passe d’abord par un repas partagé. C’était à la fois réconfortant et intimidant. Nous n’avions pas passé de vrai temps long ensemble depuis vingt-cinq ans. Cadeau et défi à la fois.
L’arrivée de ma mère
Quelques semaines plus tard, notre mère nous a rejoints. Une autre émotion, comme si le cercle se refermait enfin.
Avec elle, toujours la même constante : son envie de faire plaisir à travers la cuisine. Chaque moment devenait une occasion de nourrir, de régaler, de transmettre. Dans notre famille, l’amour passe par la nourriture. Un fil discret mais puissant, qui relie nos générations.
Ramadan
Peu après, le Ramadan a commencé. Ma sœur le vit chaque année. J’ai eu envie de le partager avec elle. Non pas comme une obligation, mais comme une cohérence.
Depuis quelques années, ma vie s’oriente vers plus de vitalité : nutrition, écoute du corps, respect des cycles. Le Ramadan s’est inscrit naturellement dans cette continuité. Comme une validation silencieuse de mes choix.
Les premiers jours, il a fallu trouver notre rythme. L’un plus épicé, l’autre plus léger. Mais très vite, un équilibre s’est créé. Être deux change tout. On se soutient, on rit des faiblesses, on savoure ensemble la première gorgée d’eau au coucher du soleil.
Au-delà de la discipline alimentaire, c’était un partage de rythme, une reconnexion à l’essentiel. Une expérience qui m’a renforcé, confirmant que mes choix de vie pouvaient s’assumer dans toutes leurs dimensions.
Les tempêtes
Et puis il y a eu les tempêtes. De vraies tempêtes tropicales, qui nous ont cloués à la maison. Impossible de sortir, de s’échapper, de se distraire.
Il a fallu rester là, en face-à-face. Des heures, des jours entiers. C’était contraignant et aussi précieux.
Ces moments de huis clos nous ont forcés à parler, à nous observer, à supporter nos différences, à rire de nos maladresses.
Ce que la météo imposait, nous en avions peut-être besoin : un temps suspendu pour mesurer la force — et la fragilité — de nos liens.
Jugements extérieurs
Quand je disais « Je pars à Maurice », beaucoup entendaient « vacances au soleil ». Plages, cocktails, farniente.
Peu imaginaient le désarroi dans lequel j’étais. Peu comprenaient que ce voyage n’était pas une fuite exotique, mais une nécessité vitale.
Cela m’a questionné sur la qualité de nos relations. Sur la politesse sociale, les images toutes faites, cette facilité à juger plutôt qu’à écouter.
Est-ce moi qui donnais l’impression que tout allait bien, à force d’être souriant et optimiste ? Ou est-ce notre société qui préfère les façades rassurantes aux vérités inconfortables ?
Confidence
Au fond de moi, il y avait aussi une fierté — un peu déplacée. La fierté d’avoir une famille aimante dans l’océan Indien, là où tant d’autres n’ont pas cette chance. La fierté de nos origines, de nos racines.
Mais cette fierté cohabitait avec une grande vulnérabilité. Car derrière l’image idéalisée du « retour aux sources », je traversais une fatigue, des peurs, un épuisement. Ce décalage entre perception et réalité reste l’une des grandes leçons de ce voyage.
Ce que j’en retiens
Maurice n’a pas été une carte postale.
Elle a été un miroir : de mes forces, de mes fragilités, de mes relations.
Un laboratoire : de mes choix de vie, de ma vitalité, de ma capacité à tenir mes engagements.
Une confirmation : je n’étais pas en errance, mais sur un chemin cohérent, qu’il me fallait assumer.
Et une question ouverte : comment continuer à vivre dans une société d’images et d’apparences, sans se perdre dans les faux-semblants ?
👉 Pour lire le premier chapitre de ce récit — mon départ et ces sept mois sur les routes — vous pouvez retrouver l’article d’introduction sur mon blog ici.